La libellule, un insecte à part

Dans l’art japonais, la libellule tonbo 蜻蛉 est considérée comme un symbole de bonne chance, de résurrection et de transformation…. un insecte “à part” qui a été représenté sur différents supports.

De l’estampe aux tissages en passant par les arts guerriers, les artistes ont souvent utilisé la libellule pour sa symbolique mais aussi pour mettre en valeur ses formes, son “design” : les ailes délicates et les formes mouvantes de l’insecte étaient idéales pour ajouter une touche de poésie et de grâce à leur œuvre.
Un bel exemple est cette estampe par Hokusai représentant une libellule flottant au-dessus de campanules… symbôle de l’attrait, du charme et de la flatterie… Un duo parfait pour la Saint Valentin !

Libellule et campanules – Katsushika Hokusai – Coll. MET

Les tsuba et les libellules : une histoire vieille de six siècles…

Pour les samouraïs, la libellule représentaient la loyauté, la courage et la détermination… et quoi de mieux que la tsuba pour représenter cet insecte fort en symboliques.
Les tsuba sont les gardes de sabre, pièces de métal qui ont plusieurs rôles : elles protègent la main du samouraï, elles ont un rôle de poids pour la tenue du sabre et servent également de décoration.
Les artistes du Japon pendant la période Edo (1603-1868) ont créé des tsuba ornés de motifs de libellules pour symboliser la loyauté envers son clan et surtout le courage.

Les libellules font partie du bestiaire décoratif des tsuba et bien qu’elles soient quelque fois représentées en relief (taka bori…), elles sont très souvent représentées sous forme d’ajours (sukashi bori) permettant de reproduire les mouvements et les ailes délicates de l’insecte par un jeu de transparences (cf. le principe de complémentarité entre le vide et le plein).
Un bel exemple est cette tsuba de type ko-tosho donnant vie à une libellule stylisée venant sentir le fil de la lame passant par le nakago ana… et symbolisant ainsi la tranmission du courage au porteur du sabre.
Notons aussi le corps de la libellule stylisé par un ichi 一 : le premier, le meilleur… des samouraïs.

tsuba libellule tosho Edo samourai
Tsuba Ko-tosho à motif de libellule

L’art du XIXème s. et la place donnée aux insectes

Nous parlons des libellules, mais il faut savoir que d’autres insectes ont joué un rôle important dans l’art du Japon surtout pendant la période Edo (1603-1868). Les artistes de cette époque les ont intégrés à leur travail en utilisant leurs formes et couleurs pour créer des scènes poétiques et symboliques…. chaque insecte ayant des caractéristiques propres.
Les criquets, les papillons, les araignées… étaient particulièrement populaires et ont souvent été utilisés pour représenter la vie et la beauté éphémère de la nature.

Peintures de fleurs et d’oiseaux – Takizawa Kiyoshi 1881

Dans les estampes, les insectes étaient souvent présentés dans des scènes de la vie quotidienne, comme les promenades en bord de mer, les jardins et les parcs. Ils ont également été inclus dans les peintures sur soie pour représenter les saisons, la beauté de la nature et les émotions. Les insectes sont devenus un élément clé de l’art de l’estampe japonaise, où les artistes (comme dans les oeuvres de Takizawa Kiyoshi) ont exploré les différentes techniques pour capturer la texture et les mouvements de nos petits colocataires.

Peintures de fleurs et d’oiseaux par Takizawa Kiyoshi. 1881.

La représentation des insectes, de par la multiplicité de leurs formes, de leurs couleurs, permettent de soutenir un propos, un message… mais surtout de faire appel aux émotions et aux sentiments de celui ou de celle qui les observent…


(image de couverture : Kawari kabuto surmonté d’une imposante libellule restaurée par Hiromichi Miura – Coll. MET)